Les Personnels de direction (PERDIR) à la recherche d’un nouveau souffle

En juin dernier, Georges Fotinos, chercheur, docteur en géographie et ancien chargé de mission d’inspection générale, présentait les premiers résultats de son étude menée avec José Mario Horenstein, médecin psychiatre, consacrée aux impacts de la crise du Covid-19 et du déconfinement sur le moral des chefs d’établissement du secondaire au niveau national.
Le 3 décembre, la CASDEN Banque Populaire, banque coopérative de la Fonction Publique, et le SNPDEN (Syndicat National des Personnels de Direction de l'Education Nationale), premier syndicat des chefs d’établissement, organisent une table ronde avec un responsable du Ministère de l’Education nationale, un des responsables académiques et départementaux de l’Education nationale, des responsables syndicaux UNSA/Education et SNPDEN afin d’échanger avec l’auteur sur les résultats, analyses, témoignages de PERDIR et propositions d’actions de l'étude sur les domaines de l'avenir professionnel.

Cette étude pionnière, construite, d’une part, sur des indicateurs psycho-sociaux, socio-culturels et socio-organisationnels et, d’autre part, sur des registres de santé mentale, est basée sur un échantillon particulièrement représentatif des établissements secondaires et chefs d’établissements publics. En effet, près de 33 % des personnels de direction (PERDIR) et 47% des établissements publics du second degré ont répondu à cette étude. Menée jusqu’à présent sur le plan régional, l’enquête prend cette année une dimension nationale. Elle concerne près de 3 millions d’élèves du public soit 76% de cette population à l’échelle du territoire.

Des relations globalement dégradées …

L’enquête révèle que la crise a eu un effet négatif sur la qualité des relations que les chefs d’établissements entretiennent avec l’ensemble de leurs interlocuteurs.
A noter que ce sont les liens avec les parents qui se sont le plus dégradés (43%) puis ceux avec la hiérarchie et les IA (Inspecteurs d’Académie) - IPR (Inspecteurs Pédagogiques Régionaux) (40%).

L’enquête révèle également un décrochage scolaire important (évoqué par 8 PERDIR sur 10) ainsi qu’une recrudescence de violence (plus de 50% à observer une recrudescence de violence au sein de leurs établissements).

Les résultats récoltés par les auteurs indiquent que la crise a eu des impacts très préoccupants pour les PERDIR qui ressentent une dégradation en ce qui concerne, tout d’abord, leurs conditions de travail et les tâches professionnelles (9 PERDIR sur 10), leur confiance envers l’institution (8 sur 10) puis leurs missions (7 sur 10). Les PERDIR ont le sentiment de vivre sous le joug des injonctions hiérarchiques (77% d’entre eux mentionnent cet aspect), de devoir s’adapter, si ce n’est au jour le jour, du jour pour le lendemain, étant souvent informés des changements organisationnels liés à la pandémie par les médias la vieille de l’application de ces derniers, voire le jour-même par leur ministre. Ainsi, ils sont 92% à faire part de la dégradation massive de leurs conditions de travail et 81% à estimer que leurs missions de PERDIR ont été impactées.

Mais aussi des évolutions positives

L’enquête montre tout de même des évolutions positives pour les PERDIR dans la pratique de leur métier. En effet, 87% d’entre eux estiment que la période de crise a favorisé la création et l’innovation pour répondre aux besoins des élèves et des enseignants. Près de 8 PERDIR sur 10 considèrent que l’expérience collective acquise peut modifier leur projet d’établissement.

Les auteurs de l’étude soulignent qu’ « au regard de la situation d’urgence dans laquelle se débattent les PERDIR à la recherche de points d’ancrage solides concernant l’exercice libéré de leur métier, un avenir professionnel ouvert et enrichissant, une convergence bienveillante et collaborative sur l’établissement scolaire des compétences pédagogiques et hiérarchiques au service de la réussite des élèves il paraît crucial de modifier « le paradigme » du fonctionnement des établissements et de leur encadrement ».

Une conception de l’avenir professionnel plutôt morose et une santé mentale affectée

Afin d’incarner les statistiques relevées grâce aux questionnaires, les auteurs de l’étude ont souhaité apporter des témoignages venant illustrer les tendances chiffrées recueillies. L’enquête compte donc un chapitre dédié à une question ouverte portant sur l’appréciation que les PERDIR ont de leur avenir professionnel. La majorité d’entre eux a une vision négative de leur avenir fondée principalement sur le découragement, l’anxiété, l’absence de soutien et bienveillance hiérarchiques, de reconnaissance et d’ouvertures professionnelles.
Le tout, se traduisant assez souvent par un souhait ou une décision de reconversion professionnelle. Par ailleurs, 75,5% des citations portant sur l’avenir professionnel sont négatives et 25,5%, positives.

La seconde partie de l’enquête permet d’évaluer l’impact de la crise et du déconfinement au niveau psychologique, compte tenu du fait que les chefs d’établissement se soient retrouvés en 1ère ligne face à des enjeux sanitaires, économiques et pédagogiques importants.

Deux tendances ressortent de ce chapitre :

  • Une dépression significative : 47,53% des PERDIR ont des résultats supérieurs au seuil de 10, ce qui représente des symptômes dépressifs cliniquement significatifs
  • Un stress très présent :
    • 67,56% des PERDIR se sont sentis nerveux ou stressés.
    • 52,28% ont pensé ne pas pouvoir assumer tout ce qu’ils devaient faire.

De manière générale, la perception importante du stress est corrélée avec la perception de dégradation des fonctions du PERDIR (missions, statut, conditions de travail, etc.).

« Au regard de la fréquence et de l’intensité des réponses péjoratives quant à la santé des PERDIR et aux conséquences pour les personnes placées sous leur responsabilité, la seule prise en compte médicale ou centrée sur l’amélioration des conditions de travail s’avère insuffisante. Il convient donc désormais de considérer « l’encadrement sous stress » comme une compétence nécessaire pour exercer sur un poste de Direction ou d’Inspection et pour ce faire – et en priorité – l’inscrire comme une obligation dans la formation initiale et continue de tous les Personnels d’Encadrement de l’Education Nationale » estiment les auteurs de l’enquête.

Les propositions des auteurs pour faire évoluer le métier

Afin de faire redonner du souffle à cette profession qui fait face à une sévère forme d’épuisement professionnel, les auteurs proposent de mettre en place 4 leviers  

  • Créer un corps de personnels d’encadrement concentré sur l’aide, le conseil, la formation des personnels d’établissement réunissant les PERDIR, les Inspecteurs de l’Education Nationale, les inspecteurs d’académie et les Inspecteurs Pédagogiques Régionaux permettant une mobilité interne. L’encadrement compterait une profession pour 3 métiers (Directeur d’établissement, Ingénieur Conseil, Evaluateur)
  • Donner la priorité absolue à la Qualité de Vie au Travail tant pour les adultes que pour les élèves : des conditions incontournables au bon fonctionnement de l’établissement, à la satisfaction professionnelle et à la réussite des élèves.
  • Mettre en œuvre le principe d’autoévaluation générale (Établissement, personnels, élèves). Avec une évaluation externe de l’établissement conçue comme une aide au suivi du projet « type ami critique » et un contrôle proportionnel selon la qualité du bilan après une période de 3 ans. À noter que dans cette configuration les inspections portent essentiellement sur le soutien et la formation.
  • Développer une véritable autonomie de l’établissement fondée sur l’adaptation locale aux élèves et à la communauté éducative portée par la liberté d’innover, et des moyens en compétences notamment en personnels socioéducatifs ainsi qu’en matériels adéquats.

Les résultats complets de l’enquête sont disponibles sur demande

Réalisée en ligne entre le 16 mars et le 6 mai 2021, l’enquête mixte repose sur 2 questionnaires.

Le premier concerne les impacts sur l’exercice du métier de PERDIR et est divisé en 4 parties :

  • Contexte et caractéristiques professionnelles
  • Impacts sur les élèves et les enseignants
  • Impacts sur les Personnels de Direction
    • Impacts relationnels et organisationnels
    • Impacts psychologiques
    • Une question ouverte « Comment concevez-vous votre avenir professionnel ? »

Il est fondé globalement sur la mesure des variables mesurant l’état du système social interne des acteurs en recueillant directement la perception qu’ont les intéressés de leur situation.

Le second traite de l’impact psychologique. Il est construit sur 2 questionnaires internationaux complémentaires qui ne permettent pas de porter un diagnostic mais d’évaluer l’importance du volume de
« suspicions » et de cerner statistiquement l’impact d’un évènement. Il s’agit des domaines de la dépression et du stress.

Les outils classiques de la statistique ont été utilisés sur les données issues de cette enquête : tris à plat, tris croisés. La significativité des croisements a été caractérisée à l’aide du Khi2 et test exact de Fisher. Le contrôle des données et le traitement statistique ont été réalisés par le Bureau d’études Vitruvian-Consulting de Tours.

Des auteurs reconnus pour leur expertise

Georges Fotinos a enseigné du primaire au secondaire puis a lui-même exercé des fonctions d’inspecteur avant de se voir confier diverses responsabilités ministérielles concernant les rythmes scolaires, les violences à l’école, le climat scolaire et les relations école/parents. Il a réalisé de nombreuses enquêtes sur les conditions de travail - celles des chefs d’établissements (« Le moral des personnels de direction », Georges Fotinos, MGEN, 2007) ou celles des enseignants (« La qualité de vie au travail dans les lycées et collèges » par Georges Fotinos, et José Mario Horenstein, avec la CASDEN, 2010/2011) et celles des inspecteurs de l’Education nationale (« Le moral des inspecteurs IEN, IA-IPR : qualité de vie au travail et épuisement professionnel » publiée en 2016 avec le soutien de la CASDEN).

José Mario Horenstein, médecin psychiatre, a travaillé dans le dispositif psychiatrique de la MGEN jusqu’en 2013. Dès 1993, il commence un programme de recherches et de traitement concernant le stress, le harcèlement et les états de stress post traumatiques liés aux violences physiques à l’encontre des personnels de l’Education nationale. Depuis 2009, il travaille à l’élaboration d’un programme de prévention du burnout et du traumatisme vicariant basé sur la construction esthétique de la bio-flexibilité.

A propos de la CASDEN Banque Populaire

Banque coopérative de la Fonction publique, la CASDEN fait partie du Groupe BPCE, deuxième groupe bancaire en France. À fin 2020, la CASDEN compte 585 collaborateurs, 226 Délégués CASDEN, 8 800 Correspondants dans les établissements de la Fonction publique, et plus de 2 millions de Sociétaires.

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Contacts presse : Stéphanie Guillas – stephanie.guillas@casden.banquepopulaire.fr – 01 64 80 34 62

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A propos du SNPDEN

Le SNPDEN (syndicat national des personnels de direction de l’éducation nationale) est une organisation syndicale apolitique, laïque, membre de la fédération UNSA. C’est le syndicat majoritaire chez les chefs d’établissements et adjoints de l’enseignement secondaire (collège, lycées, lycées professionnels, EREA, école nationales). Sa représentativité, unique dans le monde syndical, est proche de 50% des actifs et compte environ 7500 adhérents en France, à l’étranger et dans les DROM. Le SNPDEN-UNSA bénéficie d’une réelle reconnaissance de tous les acteurs de l’éducation pour son expertise professionnelle et la qualité de ses analyses.

Contact presse : Isabelle Guillaumet – isabelle.guillaumet@snpden.net – 01 49 96 66 67